18 inscrits, 9 partants, 8 arrivés dans les délais, dont « notre » Eric Crey qui raconte sa journée :
Qu’en dire ? Epique ? Dantesque ? Ou dingue, pour être moins dithyrambique ?
Le bilan est pourtant assez vite établi. 13h50 de selle (pauses casse-croûte et arrêts pipi compris), dont 30 minutes de soleil. Oui, du soleil ! Qui l’eut cru ?
3h45, au pied du mat olympique d’Albertville, les bénévoles courageux et bienveillants des Cyclotouristes Albertvillois sont presque plus nombreux que les candidats à ce Brevet de Randonneur Mondial de 300 km, passage obligé pour ceux qui envisagent de participer au prochain Paris Brest Paris. Ce qui n’est pas mon cas. Mais alors ? Qu’est-ce que je fous là ? Ben… je ne sais pas trop en fait, hormis tenir l’engagement pris auprès de l’ami Yvan, CTA au mental inoxydable, de l’accompagner dans ce brevet, et, peut-être les suivants. Lui, il est sur la liste des préinscrits au prochain PBP, en août !
J’entends au téléphone, Gilbert, le Président des CTA qui reçoit un ou deux coups de fil de désistement. Raison invoquée ? Facile ! La météo… scabreuse.
Elle est en effet fidèle aux prévisions. A la pluie donc ! Une pluie qui est loin de nous réjouir, Yvan et moi, mais qui n’est pas non plus si terrible que ça, quand à 4h, nous enclenchons nos chaussures dans les pédales. Un Haut-Savoyard, Xavier, s’élance avec nous.
Le rythme de croisière est donné par Yvan, et nous nous relayons parfaitement, malgré une certaine crispation ; nuit et pluie ne sont pas forcément les meilleures alliées pour être sereins. Au lac St-Clair de La Rochette, je réclame (oui, déjà !) une pause technique. Moi, le froid me fait…
Nous attaquons aussitôt après, la descente sur Pontcharra. Les gorges du Bréda nous ont tendu une embuscade, la 1ère de la journée. La pluie est devenue plus intense, plus cinglante. Le cuissard commence à se gorger d’eau, les doigts de pieds se noient dans des chaussures plus qu’imbibées tandis que le haut du corps résiste un peu mieux. Le moral est encore clinquant cependant.
Pour le 1er pointage à Grenoble, les vêtements de protection ont hélas montré leurs limites. Il n’y a plus grand-chose de sec sous eux. Les gants sont aussi durs à retirer qu’à remettre. Mais nous voilà prêts pour escalader, quelques kilomètres plus loin, le col de La Placette. Au sommet de ce celui-ci, Yvan et moi prenons la décision d’abandonner à son sort, Xavier, qui grimpait un ton en dessous du nôtre. Mais le gaillard est rompu à l’exercice, il compte à son actif un PBP et de nombreux brevets. Il est un cyclo aguerri. Cela reste cependant un dilemme de le laisser seul.
Aux Echelles, petite pause pour attraper à la « one again », une barre de céréales enfouie dans une poche du maillot, et sous les vêtements de pluie qui en rendent l’accès impossible.
Dans la côte de La Bauche, on essuie – façon de parler – la 2ème « saucée » carabinée, violente, froide avec vent de face. Inutile de préciser qu’une nouvelle fois, plus un centimètre carré de peau n’est sec. Nous rallierons Le Gué des Planches avec prudence, nos freins ayant perdu quelque peu de leur pouvoir.
Et hop, Yenne, 2ème pointage à effectuer. On en profite pour s’alimenter : séance retrait et enfilage des gants toujours assez sportive.
A peine quittons-nous Yenne que l’heure de la 3ème « saucée » sonne. Encore une belle derrière les oreilles. Cela ne nous empêche pas de plaisanter avec Yvan, sur cette météo qu’on n’imagine mal pouvoir être pire. A préciser qu’entre ces « saucées », il ne cesse de pleuvoir…
A Seyssel, nous nous arrêtons (Yvan a un estomac à remplir, même sur le vélo !) dans une fort sympathique boulangerie. Enfin, la serveuse était fort sympathique. Accueillante, dynamique, joviale,… pardon je m’égare. Mais ça fait du bien cette ambiance chaleureuse après nombre de bornes dans la tourmente.
Nos parts de quiche au saumon, chaudes et délicieuses, nous ragaillardissent.
En selle pour Challonges, Clarafond, Vulbens. Et il pleut. Toujours et encore. A l’approche de Valleiry, nous nous pinçons pour nous assurer de notre lucidité. Le plafond nuageux et pluvieux accorde au soleil un droit de passage. Yvan en profite pour me montrer le Léman, en pleine ascension du col de la Croix-Biche. Bien que de courte durée, nous savourons ce répit aussi inattendu qu’agréable.
La fin du périple sera pour moi, plus contraignante, plus stressante. La vilaine pluie qui nous re-cueille avant Cruseilles, la circulation qui s’épaissit, la ville, ses feux , ses priorités, usent mon moral. Et mon physique commence à m’alerter sur son niveau bas. Yvan, mieux qu’un GPS, nous sort d’Annecy où les préparatifs pour le Marathon du lendemain battent leur plein.
Annecy… une nouvelle grosse et terrible rincée. Pff… elle durera trop longtemps. Le froid me gagne de partout. L’avantage, si je puis dire, c’est qu’avec ce temps, la piste cyclable est presque toute à nous ! Pas un chat ! Juste un clébard qui me course dans le tunnel de Duingt, comme si j’avais besoin d’un sprint pour me dégourdir les guibolles !
Ça sent l’écurie. Yvan est encore vaillant, une énergie sortie de je ne sais où, tandis que je jette mes dernières forces dans ce final que l’on connait par cœur. Albertville nous accueille enfin. Sous la pluie, fine, pour parachever cette journée qui n’en aura pas manquée.
Mais nous pouvons nous estimer heureux : nous ne déplorons aucun incident mécanique, pas une crevaison. Comment aurions-nous pu changer une chambre à air, le corps secoué par les frissons, sous une pluie battante et les doigts gourds ?
Finalement, on a eu une chance inouïe non ?
« Sacrée bordée », pour reprendre le terme d’Yvan. Mais franchement, je ne ferais pas ça tous les jours !